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Affaire de la sextape : Benzema était-il sincère ?

Mercredi 2 décembre dernier, TF1 diffusait une interview où Karim Benzema s’exprimait sur son rôle dans l’affaire dite de la « sextape » et le chantage subi par son coéquipier Mathieu Valbuena. Benzema était-il sincère dans ses déclarations ? Notre avis :  les bonnes questions ne lui ont pas été posées.

L’affaire n’en finit plus d’enfler. Depuis son interrogatoire face à la juge de Versailles le 5 novembre dernier, dans l’affaire dite de la « sextape », l’avenir de Karim Benzema, meilleur buteur en activité de l’équipe de France de football, ne semble plus si assuré.  De fait, Karim Benzema est soupçonné d’avoir pris une part active, par l’intermédiaire de son ami d’enfance Karim Zenati, à des manœuvres orchestrées par Mustapha Zouaoui (surnommé « Sata ») et Axel Angot, deux personnes gravitant dans l’entourage des footballeurs. Leur but : soutirer de l’argent à Mathieu Valbuena, en échange de la destruction d’une vidéo intime le mettant en scène. [ Lire ici : la chronologie de l’affaire de la sextape ]

De son côté, Karim Benzema affirme avoir proposé la mise en relation avec son ami Karim Zenati à Mathieu Valbuena dans l’unique but de lui venir en aide. Seul problème : certaines des conversations téléphoniques entre Benzema et Zenati, mises sur écoute par la police, mettent à mal la version du joueur français. Dans leur conversation, publiée par la presse, du 6 octobre dernier, les deux amis parlent par exemple en termes peu élogieux de Mathieu Valbuena : « je l’ai vu l’autre, hein », « j’en pense qu’il nous prend pas au sérieux », « il va rien lâcher celui-là non ? » ou encore « nous de toute façon on est là pour l’arranger. S’il veut pas, bah laisse, il se démerde avec ces piranhas ». [ Lire ici : la conversation entre Benzema et Zenati ]

Face à une affaire qui ne cessait de prendre de l’ampleur, Karim Benzema a finalement décidé de donner publiquement sa version des faits dans une interview diffusée mercredi 2 décembre 2015.

Alors Benzema, sincère ou non dans cette interview ? Notre avis : les questions au cœur de l’affaire ne lui ont pas été posées.

affaire-benzema-sextapeSur la forme tout d’abord, on constate (voir infographie ci-contre), que seules 6 questions sur les 15 diffusées traitent de l’affaire proprement dite. Signe, peut-être, d’une plus grande prérogative de la chaîne à obtenir une interview exclusive que de véritablement rentrer dans le cœur de l’affaire. Car sur le fond, que nous dit Karim Benzema dans cet entretien ? Essentiellement, qu’il n’est pas complice d’un quelconque chantage, puisqu’il gagne déjà beaucoup d’argent et n’a donc aucun intérêt à vouloir en sous-tirer à son coéquipier. Contrairement au footballeur Samir Nasri, dont une écoute interceptée par la police entre les deux maîtres-chanteurs laisse penser qu’il se serait proposé comme intermédiaire si Karim Benzema s’y refusait, Benzema et Valbuena n’entretiennent par ailleurs pas de relations conflictuelles. Combiné au fait que notre analyse verbale des réponses de Karim Benzema ne révèle aucun signe laissant penser qu’il mente à ce sujet, il semble donc tout à fait vraisemblable que le footballeur n’ait à aucun moment pensé tirer un gain financier de la sextape.

Le jour même de l’interview diffusée par TF1 et enregistrée la veille, le journal Le Monde publiait quant à lui la quasi-intégralité de l’interrogatoire de première comparution de Karim Benzema devant la juge de Versailles, le 5 novembre. Interrogatoire à l’issue duquel l’avant-centre des Bleus a été mis en examen pour « complicité de tentative de chantage » et « participation à une association de malfaiteurs ».

Dans cette séance de questions-réponses bien plus poussée que l’interview télévisée, certaines réponses, en particulier, méritent de s’y attarder :

LA JUGE : Pourtant M. Zenati vous répond « ouais, ça veut dire en vérité, je crois, il va rien lâcher celui-là, non ». Cela ne ressemble pas à de l’aide. Qu’avez-vous à dire ?

BENZEMA : Moi, je ne parle que d’aide. Je vous dis que des fois on dit n’importe quoi au téléphone. Mais on ne parle que d’aide. Si je faisais partie de ce groupe-là, je n’en parlerais pas à Karim.

Premier élément remarquable, l’utilisation des pronoms personnels « moi » et « je » par Karim Benzema, alors que la juge l’interroge sur les propos de son ami. En détection du mensonge, tous les mots ont un sens : si Karim Benzema inclut ces pronoms dans sa réponse, c’est qu’ils apportent un sens pour lui. Ainsi, si le footballeur précise que lui ne parle que d’aide, cela peut laisser entendre qu’il a au moins un doute sur le fait que son ami, en revanche, ne parle que d’aide. Dans cette réponse, on constate également un changement de pronom (« je » ne parle que d’aide > « on » parle que d’aide), dont les recherches sur le mensonge ont montré qu’ils étaient plus fréquents dans les déclarations mensongères que dans les déclarations sincères.

LA JUGE : Pensiez-vous vraiment que l’intervention de votre ami allait être « gratuite » ?

BENZEMA : Bien sûr. Pour moi oui, parce qu’il ne manque de rien. C’est pour ça que je ne comprends pas l’histoire de chantage et d’argent. Car je vous le répète, il ne manque vraiment de rien. C’est ce que moi j’avais dans la tête et mon ami aussi, je pense. Après, ses autres fréquentations… mais il ne manque de rien. J’ai réussi ma vie. Je lui fais partager, car c’est mon ami depuis tout petit.

A nouveau, dans sa réponse, le joueur de l’équipe de France, inclut le pronom « moi » pour préciser sa réponse à la juge (« Pour moi, oui »).

On constate également que Karim Benzema répond à la question de la juge, de type Oui / Non, sans répondre par un Oui ou un Non initialement (« Bien sûr »). Or en détection du mensonge, toutes les réponses autres qu’un Oui ou un Non à ce type de question dites « fermées », sont jugées moins convaincantes.

Notons également que Karim Benzema affirme ici qu’il pensait que l’intervention de son ami allait être gratuite, « parce qu’il [Zenati] ne manque de rien ». En effectuant ainsi une opération cognitive, une déduction logique, pour répondre, il affaiblit en réalité la crédibilité de sa réponse. Il aurait été plus convaincant en disant tout simplement : « Oui ».

Au passage, lorsque le footballeur dit « je ne comprends pas l’histoire de chantage et d’argent », notons qu’il peut tout à fait être sincère, sans pour autant dédouaner son ami. Par exemple, si son ami Zenati avait effectivement cherché à tirer un gain financier de la sextape, Benzema pourrait tout de même en toute honnêteté affirmer ne pas comprendre la démarche de son ami, dans la mesure où il estime déjà subvenir grassement à ses besoins.

Enfin lorsque Karim Benzema ajoute « C’est ce que moi j’avais dans la tête et mon ami aussi, je pense », il révèle à nouveau ses doutes sur les intentions de son ami par l’introduction des mots « je pense ».

Le cœur de l’affaire est donc là : Karim Benzema n’a-t-il sincèrement douté à aucun moment des intentions de son ami Karim Zenati ? Pour le savoir, encore faudrait-il l’interroger précisément sur le sujet.

 

Crédit photo / vidéo : www.tf1.fr

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