Comment matcher 27% plus souvent sur Tinder ? La science de la séduction

Fondée par Whitney Wolfe en 2012, Tinder est l’une des applications sociales les plus populaires – et les plus sulfureuses. Une fois connecté avec votre compte Facebook, l’application charge votre photo et vos informations de profil (prénom, âge, sexe, profession). Vous pouvez charger d’autres photos, ajouter une bio, et effectuer divers menus réglages pour tenter de vous vendre au mieux sur cette marketplace du sexe. Quels sont les paramètres qui maximisent vos chances de plaire ? Quels sont les critères et aspects de votre profil par lesquels vous pouvez vous démarquer des autres utilisateurs ? Une étude s’est intéressée aux clichés qui ont le plus de chance d’être appréciés. Voici donc les conclusions de recherches qui pourraient vous aider à attirer de beaux inconnus.

Sémiologie du Swipe

Il suffit d’installer l’application sur votre smartphone, de vous connecter avec un compte Facebook (votre compte véritable, ou… un compte créé pour l’occasion), de paramétrer tous les éléments de votre profil (à commencer par la photo principale, qui s’affichera en grand du côté des autres utilisateurs – ou utilisatrices, selon ce que vous indiquez rechercher), et de lancer une recherche dans votre zone géographique. Puis vous faites défilez les photos des autres utilisateurs géolocalisés dans la zone en « swipant », c’est-à-dire en faisant glisser votre pouce sur l’écran de votre smartphone (de l’anglais swipe, « balayer, faire glisser »), tantôt à gauche, tantôt à droite, au gré de vos envies, en vue de la faire correspondre avec un autre profil. Un swipe à gauche = je n’aime pas, je refuse d’engager la discussion. Un swipe à droite = je valide, je « like », je dis oui à une éventuelle connexion.

Notons la sémiotique assez évidente et intuitive du swipe de Tinder : aller de gauche à droite va dans le sens de la lecture en Occident, le mouvement de swipe semble ainsi faire glisser la photo « au-devant », vers l’avenir, comme un futur possible. A l’inverse, aller de la droite vers la gauche correspond au sens contraire de la lecture, comme un rejet vers l’arrière, une précipitation vers le passé, un renvoi aux oubliettes pour libérer le champ des possibles à venir.

Un supermarché du sexe ?

Ainsi s’égrènent les minutes, les heures, les pauses et chaque occasion de dégainer son portable, en swipant, à la manière d’un lèche-vitrines, passant d’une devanture faciale à une autre d’un simple revers de pouce. Si deux personnes sont attirées l’une par l’autre, et donc qu’elles ont toutes deux swippé à droite la photo l’une de l’autre, les deux profils vont alors « matcher » (en anglais, match indique une « correspondance », le fait d’être « assorti ») et l’application va les mettre en relation en leur donnant la possibilité de s’envoyer des messages. Une rencontre réelle dépend donc encore de l’issue de ces échanges purement textuels. L’absence de match condamne au silence.

Très populaire dans les grandes villes et capitales du monde, aussi bien utilisé pour des rencontres amicales que sexuelles, Tinder souffre pourtant d’une mauvaise réputation en France, qui reste le pays de l’élégance et de l’amour romantique dans l’imaginaire collectif. Le reproche le plus fréquent à l’encontre de Tinder est de ressembler à un choix sur catalogue, amenant l’utilisateur à passer de photo en photo comme pour faire ses courses. Une pratique « déshumanisante », qui viderait les relations de leur véritable substance. Toutefois, Tinder reproduit l’approche généralement utilisée dans la vie réelle, à savoir un tri physique, visuel, avant une prise de contact plus approfondie. Par exemple, dans le cadre d’une rencontre inopinée dans un café, un individu sera d’abord séduit par le physique d’une autre personne, son apparence, autrement dit ce qui se dégage « à première vue ». Ce n’est qu’après qu’intervient l’étape de la première discussion – et bien plus tard que l’on peut se faire une idée du caractère et du mental de cette personne, si tant est que cela ait un sens.

Merchandising de votre photo de profil

Pourquoi parler de merchandising ? Peut-on seulement « merchandiser » son profil Tinder ? Le merchandising relève habituellement des pratiques commerciales, marketing, et s’est notamment développé à travers l’essor de la vente en libre-service, où chaque produit doit être exposé convenablement pour qu’il soit en mesure de se « vendre lui-même ». Ni plus ni moins que ce qui est visé par un profil sur Tinder. Le profil doit attirer par lui-même, sans autre forme d’interaction. La photo doit plaire et déclencher le swipe à droite, le but est de matcher avant de pouvoir intervenir – et éventuellement corriger le tir au cours des échanges qui pourront suivre. La photo principale (associée aux photos suivantes) constitue l’élément clé de ce merchandising, sur lequel s’est donc penchée une équipe de psychologues de Berkeley.

Leur étude a été mise en place de la façon suivante. Tanya Vacharkulksemsuk et ses collègues ont ouvert des profils Tinder pour six individus (trois hommes et trois femmes, tous de couleur de peau blanche). Chacun d’entre eux s’est vu attribuer deux profils : l’un avec quatre photos en position dite « expansive », l’autre avec quatre photos en position « contractée ». Au total, douze comptes ont ainsi été créés en appelant tous les hommes « Michael » et toutes les femmes « Jessica ». L’âge a été fixé dans la tranche « 25 ans et plus ». Notons également que l’étude fut conduite sur deux semaines en activant le profil en version expansive 48 heures puis, la semaine suivante, le profil en version contractée 48 heures également. Afin d’obtenir des correspondances, les six participants ont fait défiler 250 profils, 125 étant swipés vers la droite (signalant ainsi un intérêt pour ces profils), l’autre moitié vers la gauche (signifiant un rejet). Sont ensuite décomptés les matchs pour chacun des 6 profils créés pour l’expérience.

Expansion VS contraction : quelle position privilégier ?

Vous pouvez voir ci-dessous les photos utilisées pour l’expérience, mettant successivement en scène dans les mêmes lieux et des styles similaires un homme et une femme, en posture expansive puis contractée.

Posture dite « en expansion » : position ouverte avec membres (bras, jambes) étendus par exemple et occupation la plus large possible de l’espace.

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Position dite « en contraction » : position fermée avec des membres repliés (bras, jambes croisés), proches du corps et l’utilisation d’un minimum d’espace.

(Photos directement tirées de l’étude Vacharkulksemsuk et al.)

D’après Tanya Vacharkulksemsuk, les photos de profil avec une position expansive ont 27% plus de chances d’obtenir un match. L’étude montre que les utilisateurs et utilisatrices cherchant rapidement un partenaire via l’application ont donc davantage tendance à swiper à droite lorsqu’ils consultent un profil où les photos sont prises en position expansive. Des analyses complémentaires ont permis de mettre en évidence un mécanisme pouvant expliquer cette attirance pour ce type de positions : l’expansion permettrait notamment aux candidats et candidates d’apparaître plus dominants. Dans un monde où le succès peut être parfois déterminé par une décision prise en un dixième de seconde suite à un bref entretien ou à un regard posé sur une photographie statique, les célibataires ont vraiment très peu de temps pour faire bonne impression.

Il ressort de cette étude qu’une attitude de dominance non verbale augmente les chances d’être sélectionné par un potentiel partenaire.

Mais après la première photo, reste à trouver les premiers mots.

Crédits photo : Luke Porter, unsplash

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