troisieme-debat-primaire-droite-et-du-centre_analyse-rhetorique

Primaire de Droite : les moments forts du 3e débat

Jeudi 17 novembre 2016 se tenait le troisième et dernier débat du premier tour de la Primaire de la Droite et du Centre. Avec un enjeu capital pour les sept candidats en lice : sortir leur épingle du jeu avant le vote du premier tour. Retour sur les moments chauds et les stratagèmes rhétoriques utilisés par les candidats à la fonction suprême.

Financement libyen de la campagne de 2007 : la réponse douteuse de Nicolas Sarkozy

D. Pujadas : « Avez-vous, oui ou non, reçu de l’argent liquide de Libye pour financer votre campagne de 2007, comme l’a affirmé l’intermédiaire Ziad Takieddine, alors pas seulement dans les débats, mais à la justice française hier aussi ? »

Nicolas Sarkozy : « Quelle indignité… Nous sommes sur le service public… Vous n’avez pas honte, vous n’avez pas honte de donner écho à un homme qui a fait de la prison, qui a été condamné à d’innombrables reprises pour diffamation et qui est un menteur ? Ce n’est pas l’idée, voyez-vous, que je me fais du service public. C’est une honte. »

Dans cet échange, que constate-t-on ? Tout simplement, que Nicolas Sarkozy répond à la question de David Pujadas, de type Oui / Non, sans répondre par un Oui ou un Non. Or en détection du mensonge, nous enseignons chez Othello que rien ne peut se substituer à un Oui ou un Non en réponse à ce type de questions dites « fermées », et que toutes les autres réponses sont à juger comme moins convaincantes.

Sur le fond donc, Nicolas Sarkozy ne répond pas à la question qui lui est posée et préfère jouer la carte de l’outrance. Le stratagème rhétorique employé : donner l’impression de répondre à la question du journaliste, alors qu’il offre en réalité une « non-réponse » à sa question.

L’esquive, encore et toujours

Ce stratagème d’esquive semble d’ailleurs particulièrement bien maîtrisé par Nicolas Sarkozy pour se sortir des situations délicates.

Autre exemple probant durant le débat : l’échange avec Nathalie Kosciusko-Morizet sur le climat, thème s’il en est, particulièrement cher à la candidate.

En réponse à Nicolas Sarkozy qui proposait d’imposer une taxe carbone aux produits américains si ceux-ci venaient à se retirer de l’accord de Paris, Nathalie Kosciusko-Morizet rétorque : « On a 36 prix Nobel qui se sont mis d’accord pour signer une tribune pour dire toutes leurs inquiétudes face au changement climatique. […]Pour dire aux Américains on va vous coller une taxe si vous respectez pas les accords sur la lutte contre le changement climatique, il vaut mieux pas commencer à émettre des doutes sur la réalité du changement climatique », en une attaque envers Nicolas Sarkozy qui avait tenu des propos climato-sceptiques à ce sujet deux mois plus tôt.

Jouant tout d’abord la carte de l’humour (« Je ne pense pas que les 36 prix Nobel s’adressaient à moi »), Nicolas Sarkozy finit par s’exprimer par un nouvel exemple de non-réponse visiblement pas relevé par les journalistes (à 45’35 dans la vidéo intégrale) : « D’abord je veux dire, il y a deux choses qui sont insupportables. La première, c’est d’accuser en permanence nos agriculteurs de saboter le climat […]. Enfin, la France n’a aucune leçon Nathalie à recevoir, parce que la France a une filière nucléaire qui est son honneur ».

D’aucuns, comme Nathalie Kosciusko-Morizet, pourraient ainsi résumer la réponse de Nicolas Sarkozy : « ça a juste aucun rapport avec la question de savoir si on peut taxer en étant climato-sceptique en même temps ». Case in point.

Le coup de gueule de Bruno Le Maire

Emmanuel Macron s’étant officiellement déclaré candidat à la Présidence de la République à la veille du troisième grand oral de la droite, Bruno Le Maire s’est emparé du sujet pour appuyer sa candidature.

« Ne laissons pas le monopole du renouvellement politique à la gauche », lance-t-il, histoire de rappeler qu’il entend incarner ce renouvellement à droite.

J-P. Elkabbach : « Pourquoi ça ne fonctionne pas avec vous ? »

Bruno Le Maire : « Il a une France des sondages, il y a une France des commentateurs […]. Et puis il y a une France des Français… »

J-P. Elkabbach : « D’accord, on en reparlera lundi matin »

De quoi visiblement irriter le candidat, qui rétorque posément : « Monsieur Elkabbach. Je suis candidat à la primaire, ça mérite tout simplement le respect de votre part. Et je n’ai pas à recevoir de leçons de votre part sur ma candidature. C’est les Français qui jugeront, ce n’est pas vous ».

Du point de vue technique et rhétorique, Bruno Le Maire catégorise donc habilement le journaliste parmi la « France des sondages », des sceptiques qui ne croient pas au renouveau. Ce dernier répondant par une pique ironique (« on en reparlera lundi » – au lendemain de l’élimination qu’il anticipe donc de Bruno Le Maire), au lieu de mettre en doute les propos du candidat avec un brin de désespoir feint que cela n’arrive prochainement.

Quant à l’influence de ces débats et des stratagèmes rhétoriques qui y ont été déployés par les candidats…réponse ce dimanche soir à l’issue du dépouillage des bulletins de vote.

Vous avez aimé cet article ? Notez le 5 étoiles
( Total : 3 vote(s) - Moyenne : 3.3/5 )
  •  
    2
    Partages
  • 2
  •  
  •  
  •  
  •  
  •