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Science : avez-vous un visage à être condamné à mort ?

Suite de notre série d’articles dédiés aux liens entre physionomie du visage et perception de la personnalité d’un individu, ce deuxième volet s’appuie sur des recherches publiées dans le journal Psychological Science. L’étude en question révèle que le niveau de confiance subjectivement accordé au visage d’un détenu conditionnerait la dureté de sa peine. Voire, à crime égal, pourrait le condamner à mort.

Dans notre précédent article, nous avons montré qu’il était possible de paraître plus digne de confiance en jouant sur  son expression faciale, mais qu’il était en revanche beaucoup plus compliqué de sembler plus compétent. Dans une nouvelle étude menée par John Paul Wilson et Nicholas Rule, les psychologues de l’université de Toronto nous plonge dans le quotidien des jurés et des éléments pouvant influencer leur jugement pour condamner ou non des détenus à la plus lourde des sentences : la peine capitale.

En démontrant qu’à crime égal, notamment, c’est peut-être bien la physionomie de votre visage qui pourrait vous éviter (ou vous condamner) au pire.

Le ressenti face à un visage, un facteur déterminant dans un procès

Les jurés se contentent-ils d’évaluer l’ensemble des faits et preuves qui peuvent leur être présentées pendant les audiences ? L’étude conduite par les psychologues John Paul Wilson et Nicholas Rule semble prouver le contraire. L’impression et le sentiment perçus après avoir observé le visage d’un détenu influencerait le juré dans son choix. De fait, ces recherches remettent en question le fondement même de la justice américaine qui se veut « aveugle à tout sauf aux faits objectifs ».

Si des recherches antérieures avaient déjà montré un parti pris contre des détenus dont le visage était perçu comme étant peu digne de confiance, la démarche adoptée jusqu’ici se limitait à des contextes de laboratoire. Dans leur étude, Wilson et Rule se sont au contraire intéressés à savoir si ce manque de partialité s’appliquait également à de véritables décisions de justice, pouvant entraîner de sévères sanctions comme une peine de prison à vie ou la mort d’un détenu.

Dans des cas réels donc, les jurés, voulant tous accomplir correctement leur devoir en cherchant à établir un jugement juste, réussissent-ils pour autant à faire abstraction de toute considération émotionnelle et de toute perception subjective de la personnalité des détenus avant de rendre leur verdict ?

Une étude sur des cas bien réels

Aux Etats-Unis, l’Etat de Floride est l’un des Etats prononçant encore régulièrement des sentences de peine de mort. Autre spécificité, cet Etat détient une base de données complète et accessible des photos de ses détenus. Une mine d’or pour les recherches menées par John Paul Wilson et Nicholas Rule.

Les photos de 371 prisonniers de sexe masculin dans le couloir de la mort en Floride ont ainsi pu être récupérées. Parmi eux, 226 étaient de couleur blanche, 145 de couleur de peau noire et tous ont été jugés pour un meurtre au premier degré.

Pour minimiser toutes variations dans les clichés, les photos ont toutes été converties sur une échelle de gris. Les chercheurs ont ensuite demandé en ligne à un panel de 208 adultes américains d’observer ces photos et de les classer suivant un indice de confiance sur une échelle de 1 (pas du tout fiable) à 8 (vraiment digne de confiance).

Les participants ont ainsi évalué les photos de deux groupes de prisonniers reconnus coupables d’un meurtre au premier degré : ceux condamnés à une peine de mort et ceux qui, ayant échappé à ce jugement, devaient purger une peine de prison à vie. Aucun des participants ne connaissait la sentence prononcée contre les détenus ou même que les photos présentaient des prisonniers.

Un jugement dépendant grandement de la morphologie faciale

Wilson et Rule sont arrivés à la conclusion que les détenus qui avaient été condamnés à la peine de mort avaient tendance à être perçus comme moins fiables que ceux condamnés à une peine de prison à vie. En effet, leurs analyses ont montré que moins un visage était jugé digne de confiance, plus le détenu avait de chance d’être condamné à mort.

Même corrigés d’autres facteurs, comme l’âge du sujet, l’attractivité de son visage, ou encore le ratio facial largeur sur hauteur, la relation morphologie du visage / sentence s’est encore vérifiée.

Dans leur publication, les chercheurs précisent en outre que les détenus des deux groupes avaient commis des crimes juridiquement aussi graves les uns que les autres, crimes qui ne permettaient en aucun cas d’envisager leur remise en liberté. Une volonté de protéger, de préserver la société ne peut pourtant pas expliquer la sévérité des peines infligées aux individus semblant moins dignes de confiance. Peut-on punir des gens parce qu’ils ont l’air moins digne de confiance que d’autres ? Au nom de la Justice, la plupart des citoyens répondrait que non, mais en pratique ?

D’après les porteurs de l’étude, tous les citoyens remplissant les conditions pour être jurés ont « un intérêt à mieux comprendre comment des informations périphériques comme l’apparence faciale peuvent influencer leur capacité à accomplir correctement leur devoir civique ».

On comprend mieux pourquoi il est souvent conseillé de « faire bonne impression ». Parfois, la vie ne tient qu’à un fil…Ou plutôt, qu’à un trait de visage.

Références :

Wilson, J., & Rule, N. (2015). Facial Trustworthiness Predicts Extreme Criminal-Sentencing Outcomes. Psychological Science, 26(8), 1325-1331. http://dx.doi.org/10.1177/0956797615590992

Wilson, J., & Rule, N. (2016). Hypothetical Sentencing Decisions Are Associated With Actual Capital Punishment Outcomes: The Role of Facial Trustworthiness. Social Psychological And Personality Science, 7(4), 331-338. http://dx.doi.org/10.1177/1948550615624142

Kahn, K., Goff, P., Lee, J., & Motamed, D. (2016). Protecting Whiteness: White Phenotypic Racial Stereotypicality Reduces Police Use of Force. Social Psychological And Personality Science. http://dx.doi.org/10.1177/1948550616633505

Crédit photo : Stephen Melkisethian

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